Lectures : Matthieu 19 : 6
Galates 1 : 13 à 16

« Aspirez aux dons les meilleurs. Et de plus, je vais vous indiquer une voie infiniment supérieure.
Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celles des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien.
L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité.
Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout.
L’amour ne disparaît jamais.
Les prophéties ? Elles seront abolies. Les langues ? Elles prendront fin. La connaissance ? Elle sera abolie. (I Corinthiens 12 : 31 ; 13 : 1 à 8.)»

Nicole et Pierre, Pierre et Nicole, Mes chers Filleuls,
Vous avez attendu longtemps pour parvenir enfin à ce jour de votre mariage et pour dorénavant suivre un même chemin. Votre désir, bien sûr, est que ce chemin soit le meilleur. Mais ce chemin de vie, supérieur à tous les autres possibles, existe-t-il ? Et bien oui ! Dans le texte même que vous avez choisi pour éclairer joyeusement et embellir ce jour de fête, Paul nous le confirme de toute son autorité d’apôtre. Ecoutons le nous dire : « Je vais maintenant vous montrer le chemin par excellence… si vous n’avez pas l’amour ». Autrement dit : ce chemin par excellence que vous conseille l’apôtre, ce chemin que vous désirez l’un pour l’autre, l’autre pour l’un, c’est le chemin de l’amour.
Mais avant d’aller plus loin sur ce chemin, posons-nous la question de savoir qui est donc cet admirable conseiller ? A-t-il toujours suivi ce chemin de l’amour ? A trente ans, n’avait-il pas décidé de suivre la tradition de ses pères ? Ne s’était-il pas élancé dans cette voie avec un zèle inouï, une foi énorme, capable de déplacer les montagnes et même d’aller jusqu’à la menace, la persécution et le meurtre. Il était sur cette route qui est celle du fanatisme religieux, la rage au cœur, quand vers Damas, tout a basculé pour lui. Aussi, maintenant, quand il nous conseille, ce qu’il estime être le meilleur des chemins, nous pouvons lui faire confiance. Il parle par expérience. Sans doute qu’il entend encore raisonner dans ses oreilles sinon dans son cœur, les paroles du Christ lui disant : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Paroles qui auraient pu être : « Pourquoi ne m’aimes-tu pas ? » Quand on n’a pas l’amour, on est capable de tout, jusqu’à donner sa vie et prendre celle des autres parce qu’on n’est rien, on ne vaut rien.
Mais voilà peut-être que, sans en avoir été parfaitement conscients, vous avez déjà mis un pied sur cette merveilleuse route dont nous parle l’apôtre. Au seuil de votre projet de mariage, quand vous avez eu la certitude que c’était possible, vous vous êtes sentis poussés à faire un geste. Comme on se procure une bonne carte routière avant de partir en voyage, d’un commun accord, vous avez fait l’acquisition d’une Bible. Un geste qui derrière sa banalité illustre magnifiquement notre propos et l’actualise. Avez-vous songé à Celui qui était là derrière vous vous suggérant cet acte heureux, joyeux, lumineux, émouvant et combien significatif. La Bible n’est-elle pas parole de Dieu et parole de l’amour ? Avoir le désir de posséder une Bible pour la lire à deux, qu’espérer de mieux pour les premiers pas sur le sentier lumineux de la vie ? C’est plus que les premiers pas d’un enfant, plus que ceux de l’homme marchant sur la lune. Plus que tous les autres chemins possibles. C’est le chemin !

« Quand je parlerais en langues, celles des hommes voire celles des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis un gong qui résonne, un cymbale qui retentit. Quand bien même je saurais prédire, ayant la connaissance de tous les mystères, de toute la théologie avec de surcroît la foi, la grande, celle qui déplace les montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien ».
De nos jours, l’amour est roi. Quelle chanson ne parle pas de l’amour et le mariage s’offre peut-être à en être le lieu de sa plus belle expression. Mais quand on parle d’amour, de quoi parle-t-on ? Combien de fois hommes, familles, couples ont vibrés aux paroles de l’amour ? L’amour reçu, rêvé, avoué, confié, vécu, partagé. L’amour a été élevé aux plus hauts sommets des sentiments que peut éprouver l’humanité. N’a-t-on pas utilisé le texte de Saint Paul pour exprimer précisément ce que l’apôtre condamne ? N’a-t-on pas lu I Corinthiens 13 aux obsèques de la princesse Diana et le monde entier a partagé la tristesse de cette tragédie à travers les paroles de l’apôtre ? Il en a été là comme du : « J’ai fais un rêve… » du pasteur Martin Luther King que le monde a partagé et partage encore. Il faut donc savoir de quoi l’on parle lorsqu’on parle d’amour ! Si je puis dire « amour » est un mot fourre-tout. Aimer la confiture ou les vacances est bien différent d’aimer sa fiancée ou son mari. Aimer son chien ou sa voiture ou son métier est tout autre chose qu’aimer sa mère, ses enfants ou ses parents.
En écrivant aux chrétiens de Corinthe, Saint Paul emploie la langue grecque qui a plusieurs mots pour parler de l’amour. Il y en a quatre mais l’Evangile se contente de deux termes « éros » et « agapé ». Eros désigne la sexualité, l’amour du beau et des vertus. Agapé connaît l’idée de l’amour de Dieu pour l’homme et l’homme pour Dieu et pour son prochain. Aussi lorsque Saint Paul écrit : « Si je n’ai pas l’amour » de quoi parle-t-il ? de l’éros ou de l’agapé ?

« Quand je parlerais en langue », c'est-à-dire la glossolalie, la prédication, la théologie, la foi prodigieuse et l’enthousiasme généreux, « tout cela n’est rien ». La mystique, la gnose, les œuvres les plus spectaculaires sans l’amour, c’est zéro. Ne trouvez-vous pas que pour décrire le portrait idéal du chrétien, Paul, place la barre très haut ? Si l’on comprend bien, pour l’apôtre tout ce qui n’est pas l’amour est placé sous le double signe du partiel et du provisoire en attendant le but qui révèlera sa caducité et son infantilisme. Seul l’amour demeure. Et ! bien chers amis, chers filleuls, c’est tout simplement désespérant. Et l’on peut se poser la question : est-ce que l’amour est possible ?
Dans une de ses lettres, Jean écrit : « A ceci nous avons reconnu l’amour. Jésus a donné sa vie pour nous ». Pour l’Evangile, l’amour se reconnaît au fait qu’il est donné. Jésus a donné sa vie. C’est l’amour même de Dieu pour les hommes. En terme grecs, c’est l’agapé : ce qui ne veut pas dire pour autant que l’éros soit écarté, mais l’agapé inclus l’éros. Quand Paul dit que la foi, les œuvres ne sont rien sans l’amour, il ne rejette pas la foi et les œuvres, mais il les inclut dans l’amour, il les enrobe de l’amour. Paul oppose à un idéal de vie chrétienne, perverti par la manie de la performance, un amour réel, concret, simple, à la portée de tous ceux qui demandent à Dieu tout simplement de le leur donner, l’amour.
Aimer, c’est se livrer à l’autre sans défense. « L’amour bannit la crainte ». Aimer, c’est peut-être aller vers des déceptions, des trahisons, des tristesses. Sans l’amour, tout s’écroule. Aimer n’est pas un idéal qui ramène tout à soi mais bien au contraire, l’amour nous pousse à tout ramener à l’autre. Aimer, c’est faire passer l’autre avant soi dans les grandes causes comme dans le petits détails de la vie. Paul ne conseille-t-il pas aux maris d’aimer leurs femmes comme Christ a aimé l’Eglise et s’est donné pour elle. Donner, c’est l’agapé, c’est l’acte qui authentifie l’amour. S’il n’y a pas don, il n’y a pas d’amour. Et il faut ajouter, s’il n’y a pas rencontre, il n’y a pas non plus d’amour.
Dans sa lettre aux Corinthiens, Paul écrit : « Dans le Seigneur, l’homme ne vas pas sans la femme ni la femme sans l’homme » I Cor. XI : 11. L’être humain a besoin d’éprouver un manque affectif pour découvrir le besoin de l’infini. Si l’homme se prenait pour Dieu, il ne chercherait pas Dieu. L’amour lui permet de découvrir sa finitude et sa soif de plénitude. Aucun amour véritable n’est donné à l’homme s’il ne rencontre la relation qu’il attend, s’il ne rencontre la femme pour tout donner et se donner.
Aimez-vous pourrait se traduire par donnez-vous et donnez-vous à l’autre. Dans quelques instants, vous allez échanger des promesses. Vous allez dire Nicole, Pierre, je veux t’aimer en pensant que je me donne à toi sans aucune retenue. C’est facile à dire même en se tournant bien l’un vers l’autre et en se regardant bien dans les yeux. Mais est-ce que l’Eglise ne fait pas preuve d’une incroyable assurance, d’une incroyable audace en nous suggérant de pareilles paroles ?
Nous vivons dans un monde tout pétri de violences, d’égoïsmes, de concurrences, d’horreurs, de femmes délaissées, d’enfants écartelés entre des parents séparés. En fin d’analyse, dans la concrétude des choses,, ne devrait-on pas plutôt que de parler d’amour, dire ce que l’on m’a appris à l’école avec Monsieur de la Fontaine : « La loi du plus fort est toujours la meilleure ».
C’est vrai ; lorsque l’on aborde cet extraordinaire hymne à l’amour que Paul estime être le meilleur des chemins, on est ramené au ras des pâquerettes. On se trouve là comme Gavroche devant les belles vitrines un soir de Noël. C’est beau. C’est plus beau que tout le palmarès du monde. Y prétendre n’est-ce pas une folle exaltation, un souhait sans lendemain, voire un pieux mensonge ? Ne faut-il pas être honnête et arrêter de jouer aux grenouilles voulant imiter le bœuf ? Sans l’amour, même si je suis champion toutes catégories, je ne suis rien. Mais alors comment atteindre l’amour ?

L’Evangile va au fond des choses. L’amour n’est pas ce que nous pourrions acquérir par des efforts continus. L’amour est quelque chose que l’on découvre en soi. « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? » dit Saint Paul, ce que confirme par ailleurs l’Evangile : « Nous aimons parce Dieu nous a aimé le premier ». L’amour n’est pas une vertu mais un don. C’est Dieu qui est à l’origine de votre aventure humaine. Est-ce que Jésus en priant ne demande pas à Dieu « que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux » ? Ainsi donc dire « sans l’amour » équivaut dire sans Dieu. Dieu est amour. Sans Dieu nos pensées, nos paroles, fussent-elles celles de la meilleure liturgie, fussent-elles sincères et véritables, nos paroles ne sont que du vent, du bla-bla-bla. Comme l’a chanté Dalida « des paroles, des paroles, des paroles ». Le mariage chrétien ne peut être une passion, un raisonnement, une théologie. Certes, ce peut être tout cela mais inclus dans l’agapé, c'est-à-dire dans l’acte d’amour de Dieu. Cet acte premier que Dieu a répandu dans vos cœurs. Comme vous l’avez bien senti en vous procurant la Bible. Soyez zélés pour ce charisme de l’amour qui est le meilleur, Allez par cette voie que Dieu déroule devant vous. Celle de l’amour que Dieu vous a donné.
Allez !